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Quand l’enseignement devient un métier à risques

L’actualité brûlante en France est marquée par l’assassinat dans les Yvelines, du professeur d’Histoire-Géographie, Samuel Paty, à qui l’Hexagone a rendu un vibrant hommage à titre posthume, pour avoir défendu la liberté d’expression et, pour ainsi dire, défendu la laïcité.  Pour rappel, la vie de cet homme âgé de 47 ans, a été violemment abrégée par un jeune Tchéchène de 18 ans qui n’a guère apprécié que l’enseignant ait montré à ses élèves, des caricatures du prophète Mahomet. Alors que ce crime odieux continue de susciter l’émoi sur les bords de la Seine, à des milliers de kilomètres des lieux du drame, au Burkina  Faso en l’occurrence, et particulièrement dans ses zones sous fortes menaces ou emprises terroristes, la comptabilité macabre des enseignants tombés sur le champ de la bataille éducative, fait froid dans le dos. Qui pis est, les enseignants continuent d’être les cibles des fanatiques obscurantistes farouchement opposés à l’enseignement dispensé dans les écoles, qui relève, aux yeux de ces derniers, du haram.  Contrairement à Samuel Paty, on ne peut pas accuser les éducateurs burkinabè envoyés ad patres, de s’être aventurés sur un terrain aussi sensible et glissant que la foi. Ils avaient tout simplement voulu faire leur boulot, c’est-à-dire dispenser le savoir aux enfants.   Tout comme d’autres corps de métiers, ces enseignants doivent leurs malheurs au fait qu’ils représentent les symboles de l’Etat que les terroristes exècrent. A ce jour, c’est plus de 2 mille établissements scolaires à travers le Burkina, qui ont été obligés de fermer pour ne pas subir les foudres assassines des groupes terroristes. Et l’on ne compte pas les autres dégâts en termes d’écoles saccagées et d’établissements brûlés avec parfois à la clé, des morts d’hommes. C’est peu de dire que l’enseignement est devenu un métier à risques au Burkina.

 

Il faudra sans doute mener un travail de sensibilisation

 

L’anecdote selon laquelle une jeune enseignante serait tombée dans les pommes après avoir tiré au sort, le Sahel, comme lieu d’affectation, témoigne de la peur de bien des enseignants, d’exercer dans des zones qui n’offrent pas de garanties de sécurité.  Certes, on peut se féliciter que l’Etat ait tenté de rectifier le tir, en menant une politique de redéploiement des enseignants vers des zones plus sûres.  Mais cela ne suffit évidemment pas à enrayer la menace face à des terroristes toujours aussi combattifs que déterminés.  Cela dit, dans les localités où l’Ecole n’a plus droit de cité, les conséquences peuvent s’avérer des plus désastreuses.   Il est évident que là où l’Ecole n’existe plus, les enfants déscolarisés et à la merci de vendeurs d’illusions, peuvent constituer des proies faciles destinées à renforcer les rangs de combattants terroristes. En grandissant avec l’idée que l’Etat les a laissés en rade, ces enfants courent le risque d’être fanatisés.   C’est dire si l’Ecole est devenue un centre de rivalités entre l’Etat qui s’emploie à garantir la survie de celle-là, et des terroristes qui oeuvrent à sa disparition. De cette bataille, la République a tout intérêt à triompher. Autrement, le risque est grand qu’on s’achemine vers une génération sacrifiée ; toute chose qui serait un grand désastre.  Car, il tombe sous le sens que lorsque toute une génération d’élèves est privée de son droit élémentaire à l’éducation, l’impact se ressentira forcément 10 ou 20 ans  plus tard.   Pour se donner encore plus de chances de remporter la bataille, peut-être faut-il pour l’Etat, repenser sa politique de localisation des écoles pour leur offrir plus de sécurité. Certes, on ne peut pas déployer des forces de l’ordre pour sécuriser tous les établissements sur l’ensemble du territoire. Mais l’on pourrait travailler davantage à rendre ces derniers moins exposés.  Du reste, on peut se féliciter que des clôtures soient de plus en plus érigées autour de ces établissements scolaires.  Cette tendance doit être poursuivie, même si ce n’est évidemment pas la panacée absolue.   L’on peut du reste constater que les infrastructures éducatives continuent de recevoir les visites de  groupes armés terroristes parce que l’école reste parfois un   lieu de ravitaillement en vivres.  On sait, en effet, que bien des établissements scolaires ont été attaqués notamment pour des besoins de survie des assaillants qui trouvaient, en ces endroits, des occasions pour se réapprovisionner en nourriture.   Dans cette bataille contre les forces obscurantistes, il faudra sans doute mener, si ce n’est pas encore le cas, un travail de sensibilisation dans  les écoles afin de prémunir les élèves contre le discours haineux et radical.  Quant aux enseignants qui ont vécu un grave traumatisme après avoir échappé à la mort ou vu des collègues assassinés, le suivi psychologique doit être primordial.

 

CBS