Afrique: Le fléau biblique qui frappe l’Afrique de l’est va s’aggraver

Afrique: Le fléau biblique qui frappe l’Afrique de l’est va s’aggraver

Par Marie-France Cros

« Elles couvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l’obscurité ; elles dévorèrent toute l’herbe de la terre et tout le fruit des arbres, tout ce que la grêle avait laissé ; et il ne resta aucune verdure aux arbres ni à l’herbe des champs, dans tout le pays d’Égypte ».

La Bible les décrivait comme la huitième plaie d’Egypte. Les sauterelles  – ou, plus exactement, les criquets pèlerins – qui frappent depuis le début de l’année neuf pays d’Afrique de l’Est, vont revenir pour une seconde vague d’ici juin. Cette vague sera bien plus désastreuse encore puisqu’elle risque d’être 20 fois plus importante, selon la force de la riposte à ce fléau.

Fortes pluies et cyclones

La crise a, en réalité, commencé en 2018. Cette année-là, après une longue sécheresse, un nombre inhabituel de cyclones – lié au réchauffement climatique dans l’Océan Indien – ont créé dans la péninsule arabique les conditions idéales pour la reproduction de criquets pèlerins, explique le National Geographic (mars 2020). A l’été 2019, de lourds essaims ont traversé la mer Rouge et le Golfe d’Aden, pour gagner l’Ethiopie et la Somalie. Ils y ont profité, là aussi, de l’humidité accrue d’une forte saison des pluies en octobre dernier et d’un nouveau – et inhabituel – cyclone en décembre.

En janvier, des essaims venus de Somalie sont arrivés au Kenya, où on n’avait plus vu une invasion aussi importante depuis 70 ans, puis à Djibouti et en Erythrée. En février, les essaims gagnaient l’Ouganda, venus du Sud-Soudan, et la Tanzanie. Certains sont même arrivés jusqu’en RDCongo, où cela n’était plus arrivé depuis 1944, indique la FAO (agence de l’Onu pour l’alimentation et l’agriculture).

Manger autant que 84 millions d’habitants

A cette époque, les criquets étaient déjà si nombreux qu’ils formaient des nuages opaques. Ils mangent tout ce qui est vert et laissent des milliers d’hectares de cultures complètement dévastés. En Ouganda, l’armée a été envoyée les combattre en les arrosant d’insecticide. Mais beaucoup ont échappé à la mort et ont déposé leurs œufs, qui ont commencé à éclore en avril; or, en cas de conditions propices, la seconde génération peut être 20 fois plus nombreuse que la première, avec une croissance exponentielle lorsque les conditions idéales de reproduction se perpétuent, comme c’est le cas depuis 2018.

Au Kenya, un essaim particulier a été estimé atteindre 2400 km² (à titre de comparaison, le Grand-Duché du Luxembourg fait 2600 km²), soit environ 200 milliards de criquets, capables de consommer, en un seul jour, autant que 84 millions de personnes (un essaim d’un km carré mange autant que 35.000 personnes) … Et un essaim peut se déplacer de 150 km par jour.

Les facteurs humains

Même si les conditions météorologiques ont été particulièrement propices pour que ce vieux fléau atteigne, cette année, des proportions bibliques, des facteurs humains l’ont aggravé. Ainsi, le Yémen – où se forment habituellement les essaims – en guerre, n’a pas été capable d’appliquer sa politique habituelle de contrôle et destruction des criquets et de leurs oeufs. Ni la Somalie, par manque de réactivité d’un gouvernement qui ne contrôle pratiquement rien.

En outre, la pandémie de coronavirus, qui a fortement ralenti les échanges internationaux, entrave les achats d’insecticide en Asie et en Europe et leur importation en Afrique, ainsi que la location d’hélicoptères et avionnettes supplémentaires pour les épandages aériens. Enfin, les donateurs traditionnels sont plongés jusqu’au cou dans la crise humanitaire et économique provoquée par la pandémie et manquent d’attention pour le fléau est-africain.

En Ethiopie, où 80% de la population vit de l’agriculture, 200.000 ha ont été dévastés en février et un million de personnes de plus ont dû demander une aide alimentaire à la mi-avril. Dans les neuf pays déjà frappés (Ethiopie, Somalie, Erythrée, Tanzanie, Ouganda, Djibouti, Kenya, Soudan et Sud-Soudan), plus de 20 millions de personnes doivent faire face à une insécurité alimentaire sévère. Et les oeufs qui ont commencé à éclore pourraient créer d’ici l’été une seconde vague de destruction jamais vue, juste au moment des récoltes, sur une superficie grande comme la moitié de l’Europe de l’ouest.

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Avec La Libre Afrique

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