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« Je refuse de recevoir des gens qui m’insultent»

Dans notre édition du mardi 18 février dernier, nous publiions une déclaration de l’Organisation démocratique des jeunes (ODJ), section du Boulgou. Dans ladite déclaration, l’ODJ s’insurge contre Harouna Ouelogo, maire de Tenkodogo, qui refuserait de discuter avec elle « en tant qu’organisation légalement reconnue ». Nous avons rencontré le mis en cause dans son bureau à Ouagadougou et voici sa version des faits !

« Le Pays » : L’ODJ/Boulgou dit que vous refusez de la recevoir en audience. Est-ce vrai?

Harouna Ouelogo : J’ai refusé effectivement de les recevoir et jusqu’à demain, je resterai sur cette position. L’environnement dans lequel nous sommes, je pense qu’un dialogue se fait dans un cadre respectueux et de respect mutuel. Ces jeunes de l’ODJ, si je ne suis pas leur père, je suis au minimum leur tonton. Leur manière d’agir ne me plaît pas du tout. Le problème entre l’ODJ et moi date d’un certain temps. L’ODJ est une organisation, de mon point de vue, qui empêche même le développement de Tenkodogo. Je vous en donne un peu les raisons. Nous avons initié un premier lotissement au secteur 2 avec les populations. Je me suis déplacé dans le secteur aux fins de sensibiliser les populations pour qu’elles acceptent que nous fassions un lotissement pour les logements sociaux. L’Etat devait financer au minimum 300 logements sociaux à Tenkodogo. Pour le moment, le projet est gelé parce qu’ils ont monté les populations. Et mieux, les gens de l’ODJ m’ont adressé des correspondances pour dire qu’ils sont les représentants du quartier, me posant au passage des doléances. Mais à quel titre disent-ils être les représentants de la population ? Je sais que le quartier a des conseillers. Il y a également des personnes- ressources dans le secteur. Je ne peux pas échanger avec des individus qui s’autoproclament responsables du quartier. Nous avons aussi des structures régaliennes et républicaines qui sont mieux fondées pour échanger avec le maire sur les questions de lotissement. Moi, je veux un interlocuteur qui soit crédible, reconnu dans le cadre de la gestion démocratique des dossiers.

Voulez-vous dire que les membres de l’ODJ/Boulgou vous manquent de respect?

Ils m’ont même écrit pour dire que je suis de mauvaise foi. Ils m’ont envoyé une correspondance pour dire que le maire est de mauvaise foi. Si je suis de mauvaise foi, pourquoi vais-je les rencontrer ? Pour me faire insulter encore une fois? Et même quand ils viennent au bureau, c’est avec une attitude arrogante. Quand vous venez pour échanger avec le maire, qui est votre grand frère, votre tonton, votre père, le minimum, c’est le respect. Est-ce parce que je suis maire qu’ils osent me parler et me traiter de cette façon ? Ils n’ont qu’à venir ici (dans les locaux de son bureau d’étude, ndlr) me traiter comme ils le font à la mairie ! Moi, j’emploie beaucoup de gens dans mon bureau et je suis responsable à tout point de vue.

Quelle était la revendication de l’ODJ ?

Ils me disent qu’ils sont là pour défendre la cause du peuple.

Ils demandent quoi exactement ?

Dans le premier dossier, en l’absence d’un représentant de la mairie, ils ont recensé tous les habitants pour dire après à la mairie de leur trouver des parcelles. Je leur ai demandé à quel titre ils étaient allés faire ce recensement et à quel titre ils exigeaient que le maire donne des parcelles à toutes les personnes recensées. Le lotissement est organisé. Cela fait 36 ans que je suis dans ce domaine. Avec mon cabinet, j’ai parcouru toutes les contrées du Burkina Faso et je sais comment les choses se passent. Le jour où je suis allé sur le terrain dans le secteur concerné, ils m’ont mis la honte devant la population. Donc, je suis reparti dans mon bureau. Maintenant, ils m’envoient des correspondances. Ils sont en train de monter la population contre le maire que je suis et je ne peux pas l’accepter.

« Tant qu’ils viendront avec les couleurs de l’ODJ pour parler de ces dossiers-là, je ne les recevrai pas »

Avez-vous une dent contre l’ODJ ?

Pas du tout ! J’ai un problème avec leur comportement. Moi, je ne les connais pas. Je ne peux même pas les identifier individuellement. Je refuse de recevoir des gens qui m’insultent. Le deuxième dossier concerne le 11- Décembre. Nous avions identifié la zone de l’aéroport pour la cité du 11-Décembre. C’est une bonne vision et je profite saluer mon prédécesseur qui a été visionnaire. Il avait compris qu’il fallait faire partir ceux qui occupaient le territoire administratif qu’était l’espace réservé à l’aéroport. C’est un titre foncier qui date de depuis 1958. A l’époque, entre 2009-2010, mon prédécesseur les a recensés par ménage et leur a distribué 358 parcelles. Tous les ménages, à l’époque, ont eu leurs parcelles. Il leur a dit de déménager en expliquant que l’on aura besoin du terrain plus tard pour réaliser des projets. A l’occasion du 11-Décembre, je les ai convoqués à la mairie pour leur dire que nous avons besoin du site pour faire des réalisations. Du coup, tous ceux qui vivaient sur le site se disaient ODJ et ils m’ont écrit au nom de cette organisation. Je leur ai dit qu’ils ne pouvaient pas venir discuter sous la bannière de l’ODJ sur ce problème. Il y a des personnes-ressources du secteur qui peuvent intervenir. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient me parler qu’à travers l’ODJ. Donc, je leur ai dit que je ne les recevais pas. Bref, quand je leur ai donné l’information du déménagement, ils sont allés monter les gens du quartier, des enfants et des jeunes qui sont venus dans mon bureau. Quand ils sont arrivés à la mairie, ils ont brûlé la politesse à la secrétaire pour venir remplir mon bureau. Ils pouvaient même me tuer ce jour-là. C’était un risque. Le temps que le commandant de la Police arrive, mon bureau était plein de monde. Je leur ai demandé ce qu’ils voulaient et ils criaient qu’eux n’allaient jamais partir. Du moins, qu’il faut d’abord marcher sur leurs cadavres. Je suis venu pour développer Tenkodogo et non pour tuer des gens. C’est l’ODJ qui pilotait toute cette opération. Même les vieux qui sont venus après, parlaient au nom de l’ODJ. Dans tous les cas, je leur ai dit de partir parce que notre projet est national. Ils ont opposé un niet. Je suis reparti dans le secteur avec une délégation ministérielle et ce jour-là, ils ont dit : « M. le maire, nous allons vous tuer ». Et mieux, l’ODJ s’est organisée en groupe islamique pour faire des prières et lancer des versets sataniques contre le maire. Il y a des témoins. Pendant près de deux mois, chaque vendredi, ils font des prières contre le maire. J’ai dit alors que si l’ODJ était devenue une organisation contre le maire, elle devenait mon ennemi et donc je ne pouvais pas la recevoir. Finalement, on les a déguerpis. Moi, j’étais prêt pour des discussions pour trouver des solutions aux préoccupations.

Quelle est la suite de vos relations avec l’ODJ ?

On n’a pas de relations. Jusqu’à demain, je maintiens ma position. Tant qu’ils viendront avec les couleurs de l’ODJ pour parler de ces dossiers-là, je ne les recevrai pas.

Où en êtes-vous avec les dossiers de lotissement dont vous avez parlé ?

Nous avons fini le lotissement. Nous avons attribué les parcelles qui ont été mises en valeur. C’est la cité du 11-Décembre. Si ces gens étaient venus en négociateurs, je n’aurais pu que chercher avec eux, des solutions au problème. Mais ils ont opté pour la bagarre, mais ils oublient que tout le monde sait faire la bagarre.

Peut-être le maire ne collabore-t-il pas assez ?

Je ne peux pas collaborer avec des terroristes. Leur façon de se conduire signifie que ce sont des gens qui sont venus me terroriser.

Vos rapports tendus avec l’ODJ, n’ont-ils pas joué négativement sur votre image au niveau de la commune ?

Nullement ! A Tenkodogo, l’image du maire reste intacte. Allez-y faire un sondage et vous verrez vous-même. C’est un groupuscule qui manipule les gens dans les secteurs en profitant de la pauvreté de la population. J’ai même hésité avant d’accepter de répondre à vos questions. Sinon, ils peuvent continuer d’écrire. Nous, nous avançons. Ils n’ont qu’à écrire jusqu’au ciel. Cela ne me perturbe nullement.

Pensez-vous être un bon maire ?

Ce n’est pas à moi de m’apprécier, mais à la population. Faites un micro-trottoir à Tenkodogo et demandez aux gens ce qu’ils pensent du maire Ouelogo, ils vous le diront. C’est peut-être vous qui êtes venu discuter avec moi, qui pouvez vous faire une image de moi. Je ne mens sur personne ; c’est la réalité que j’ai vécue à Tenkodogo que je vous relate comme telle. Et quelle que soit la personne, j’insiste, je ne marchande pas mon respect. Depuis que je suis jeune jusqu’à ma soixantaine aujourd’hui, quelle que soit ta tête, si tu veux prétendre que je ne suis rien, je réagis. C’est clair, c’est mon principe de vie.

Quelle est l’ambiance qui prévaut entre le MPP et les autres partis membres du Conseil municipal ?

L’ambiance est bon enfant. Si vous assistez à notre conseil, vous constaterez que monsieur le maire a des techniques de gestion des populations et ce n’est pas pour me vanter.
Vous arrivez donc à faire taire les divergences pour l’intérêt supérieur de votre commune ?
A Tenkodogo, nous avons un Conseil municipal composé de 202 conseillers. Nous sommes l’un des plus grands conseils municipaux du Burkina. Les conseillers du MPP sont autour de 117 et le reste, c’est l’Opposition. Mais renseignez-vous, toutes les délibérations sont pratiquement prises à la majorité parce que nous convainquons les gens avant de passer aux votes. Personne n’est venu pour détruire Tenkodogo. Nous sommes venus pour construire la commune. Donc, les initiatives et les bonnes idées, je les approuve.

A combien s’élève le budget de la commune ?

Le budget de la commune tourne autour de 900 000 000 de F CFA.

Est-ce assez pour faire face aux défis ?

Non, ce n’est pas assez. Il y a encore de nombreux défis à relever.

Et quels sont ces défis ?

Le principal défi, c’est l’eau. Nous avons 92 villages et 6 secteurs. Et pour un mandat de 5 ans, si je dis qu’on peut satisfaire tous les 92 villages, j’aurais menti. Cela n’est pas possible. Mais nous faisons le maximum pour que chaque village ait au moins une infrastructure, que ce soit un forage, une école ou un dispensaire.

« On ne gagne pratiquement rien à la mairie. J’y suis allé avec l’esprit de développer ma commune »

Quelles sont les retombées du 11-Décembre pour votre commune ?

Le 11-Décembre à Tenkodogo a été une réussite, et tous les participants peuvent en témoigner, au regard du spectacle qui leur a été donné de voir. Et cela a été possible grâce d’abord à l’organisation. Je profite remercier le gouverneur et toute son équipe qui ont su faire un bon management, avec l’appui du maire. Ensuite, sur le plan des infrastructures, nous n’avons pas beaucoup été critiqués comme les autres. On a eu 37 km à Tenkodogo. Si vous connaissiez la ville avant, aujourd’hui, vous risquez de ne pas la reconnaître. Des natifs de Tenkodogo se perdent même dans la ville qui s’est métamorphosée. Deuxièmement, on a une salle polyvalente dont les travaux ont été achevés avant le 11- Décembre. Faites un tour dans d’autres zones, il y a toujours des travaux pour certaines salles polyvalentes. La Place de la Nation de Tenkodogo a été érigée sur un espace de 2 hectares. Toutes les voies qui devraient recevoir les activités du 11- Décembre, ont été faites. On a prévu 900 parcelles pour faire des villas. Au moins 600 ont été construites.

Il n’en demeure pas moins qu’il y a des travaux qui ne sont pas encore terminés en ce qui concerne les villas !
C’est normal. Il y a toujours des difficultés. Je sais aussi qu’il y a des gens qui viennent avec deux esprits. Certains viennent prendre les terrains pour faire de la spéculation.

Pour le reste de votre mandat, quels sont vos grands projets pour Tenkodogo ?

Nous voulons d’abord construire un grand marché pour la ville de Tenkodogo. Tenkodogo a un marché coutumier. Nous avons aussi en projet la réalisation de la gare routière, jusque-là abandonnée à cause de certaines difficultés. Ce sont des projets structurants et qui rapportent beaucoup de ressources à la commune. Tenkodogo n’est pas une petite commune, et nous devons tout faire pour relever les différents défis.

Qu’est-ce qui vous a marqué négativement depuis votre prise de fonction ?

Le maire n’a pas de vie privée. Aujourd’hui, partout où je suis, à Ouagadougou ou à Tenkodogo, je n’ai pas de vie privée.  Je n’ai pas de congés. Depuis des années, je travaille sans congés. Cela joue négativement sur ma vie.

Vous compensez cela financièrement et matériellement !

Dans mon cabinet, j’ai des contrats évalués à des millions de F FCA. On ne gagne pratiquement rien à la mairie. J’y suis allé avec l’esprit de développer ma commune.

Qu’est-ce qui vous a marqué positivement ?

C’est le respect des vieilles personnes et des personnes- ressources. La jeunesse a aussi beaucoup de respect pour moi. Le maire est une personne bien éduquée. Je ne manque de respect à personne, quelle qu’elle soit. C’est pourquoi je ne supporte pas qu’on me manque de respect.

Avez-vous un appel à lancer ?

Je voudrais juste dire aux gens de l’ODJ de venir dans le respect républicain. J’ignore leur idéologie mais le respect est primordial. Quelqu’un qui n’a même pas l’âge de mes enfants vient me manquer de respect parce qu’il est de l’ODJ ? Je ne l’accepte pas. S’ils ne changent pas de comportement, je ne les recevrai jamais, jusqu’à quitter la mairie.

Propos recueillis par Michel NANA