Au Cameroun, combats et violences s’intensifient dans l’ouest anglophone

Au Cameroun, combats et violences s’intensifient dans l’ouest anglophone

L’espoir d’un retour rapide à la paix dans l’Ouest anglophone du Cameroun, né d’un « Grand dialogue » convoqué par le président Paul Biya il y a plus de deux mois, s’est déjà éteint: les combats entre armée et indépendantistes s’intensifient et les civils en sont les principales victimes.

La violence a franchi un nouveau seuil fin novembre dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où le conflit fait rage depuis plus deux ans: un humanitaire camerounais d’une ONG partenaire de l’ONU a été kidnappé et tué dans le Nord-Ouest.

Le lendemain, un avion commercial de la compagnie aérienne camerounaise Camair-co a essuyé des tirs d’armes à feu à l’atterrissage à l’aéroport de Bamenda, chef-lieu du Nord-Ouest. L’attaque n’a pas fait de victime et son origine reste pour l’heure inconnue.

Pourtant, début octobre, après avoir fait preuve d’intransigeance durant des mois, l’inamovible président Biya, au pouvoir depuis 37 ans, s’était décidé, sous la pression internationale, à organiser un grand dialogue national pour « résoudre » la crise.

Le boycott de cette rencontre par les principaux chefs indépendantistes n’avait pas empêché les participants de préconiser notamment une décentralisation par la création d’un « statut spécial » pour les deux régions. Une proposition qui devait être avalisée par le chef de l’Etat mais en tout état de cause très éloignée des aspirations fédéralistes, pour les plus modérés, et indépendantistes pour les groupes armés.

Aujourd’hui, plus de deux mois après, aucun projet de loi sur ce statut spécial n’a été déposé au parlement.

« Depuis la tenue du Grand dialogue, il n’y a pas eu d’avancée », tonne Joshua Osih, le vice-président du premier parti d’opposition au parlement, le Social democratic front (SDF). Un projet de loi sur le bilinguisme prévue lors du dialogue y est toutefois débattu.

Sur le terrain, les organisations humanitaires s’inquiètent d’un net durcissement du conflit.

« Depuis le Grand dialogue, nous observons une augmentation des violences, qui ont poussé toujours plus de civils à quitter leurs maisons », témoigne à l’AFP James Nunan, le directeur du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) dans les deux régions.

« On note également une multiplication du nombre de maisons incendiées et des attaques contre des civils, par des groupes armés comme par des militaires », ajoute M. Nunan.

En deux ans, ce conflit a poussé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile. Entre 300 et 400 villages ont été détruits, et 91% des enfants sont déscolarisés, selon l’OCHA.

« Au moins 130 civils tués »

Depuis le Grand dialogue, « les violences se sont poursuivies à un rythme soutenu », confirme mardi l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch.

Au moins 130 civils ont été tués depuis juillet, selon l’ONG pour qui ce bilan est « très certainement sous-évalué » faute de pouvoir recueillir sur le terrain des informations sur de probables autres victimes.

Sur place, « beaucoup sont toujours dans l’attente de la mise oeuvre des résolutions du Grand dialogue », affirme Blaise Chamango, le responsable d’une ONG à Buea, chef lieu du Sud-Ouest.

« Les coeurs de certains se sont apaisés mais les actions de l’armée et de certaines autorités continuent de renforcer l’animosité », assure-t-il.

Pire, les combats pourraient s’intensifier dans les semaines à venir: « des milliers de combattants, femmes comme hommes, se sont retranchés dans des jungles du Sud-Ouest. Ils attendent des armes pour le grand combat », confie à l’AFP un travailleur humanitaire sous couvert d’anonymat.

En parallèle, « le gouvernement aurait équipé des groupes d’autodéfense et des milices pour contrer des groupes armés », s’inquiète OCHA dans son dernier rapport.

Interrogés à plusieurs reprises par l’AFP sur l’intensification du conflit, ni l’armée, ni le gouvernement n’avaient encore répondu ce mardi.

Boycott des législatives

Dans le reste francophone du pays, la crise anglophone est revenue au centre de l’attention, alors que deux des principaux partis d’opposition ont prévu de boycotter les législatives du 9 février prochain, invoquant notamment la persistance de la guerre.

Certains acteurs du Grand dialogue restent toutefois optimistes.

C’est le cas de l’influent archevêque de Douala, le cardinal Christian Tumi, considéré comme un partisan du fédéralisme. « J’ai bon espoir que la situation s’améliore », déclare-t-il à l’AFP, appelant à la patience.

« Des groupes de jeunes nous ont contactés pour dire qu’ils veulent bien quitter la brousse mais redoutent l’accueil du gouvernement » après avoir déposé les armes, ajoute-t-il.

Côté international, les Etats-Unis ont fait monter la pression sur Yaoundé, en annonçant fin octobre retirer un traitement commercial préférentiel au Cameroun en raison de violation des droits humains.

Au même moment, la France, ancienne puissance coloniale, affirmait elle vouloir renforcer sa coopération avec le Cameroun.

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Avec La Libre Afrique

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