Portrait posthume : MBOU YEMBI, universitaire et politique humaniste et patriote

Comme nombre d’entre ceux qui méritent d’être vantés et cités en exemple, à juste titre, l’on peut avancer sans risque de nous tromper que le Professeur Léon Mbou Yembi a fait partie de ces hommes que la société, beaucoup plus encline dans sa majorité à développer au regard de ce qui s’y fait, des contre-valeurs , a volontairement et intentionnellement banni pour ne pas qu’ils claironnent suffisamment et ne fassent des émules.

Homme politique exemplaire, il l’a été, cela se démontrant par sa rigueur, sa probité morale ; son altruisme, son patriotisme, il ne cessait de vanter Léon Mba et les autres dirigeants africains de son époque, ce pourquoi il s’est de tout temps distingué des autres par sa sobriété et son dédain pour des comportements boulimiques et gargantuesques dont on sait qu’ils ont énormément contribué à saper les fondements socio-économiques du Gabon, son pays qu’il aimait tant. Raison pour laquelle il avait choisi de le servir du mieux qu’il pouvait en se positionnant comme l’un des repères pour une jeunesse guettée par la dépravation et un exemple à suivre pour les Hommes politiques déviants qui avaient choisi de faire carrière dans ce que les Aristote et autres Platon avaient en leur temps défini comme « l’art de gérer la cité » au sens de « bien gérer la cité », pour visiblement s’en servir comme tremplin, reléguant au second plan le rôle qui a toujours été celui des politiciens dans la société dans laquelle ils devaient travailler à assurer le bonheur de leurs concitoyens.

Son Parti, le Forum Africain pour la Reconstruction (FAR) que l’on a toujours assimilé au Phare qui sert au navigateur, allusion faite ici à la population, pour qu’il s’assure de la bonne conduite de ses opérations, lui allait bien, car il était le reflet de la pensée et de la vision profonde de l’homme dont le nom était une homonymie de celui d’un ancien parlementaire du pays Guisir par Fougamou, quoiqu’il ait été le fruit de Jean Yembi venant du pays Vungu, qui s’était, lui aussi, illustré en son temps par un comportement éloigné de tout soupçon. Léon Mbou Yembi qui croyait profondément aux valeurs de l’Afrique, se voulait être une boussole pour nombre de Gabonais que l’évolution et le développement de leur pays accaparent au point de ne pas les laisser insensibles face à l’inconduite et à l’apatridie de certains autres.

Homme d’action doublé d’un altruiste

On doit à Léon Mbou Yembi, l’érection de l’École nationale d’Administration (ENA) en école d’excellence avec l’introduction du concours d’entrée réservé aux candidats maîtrisards ou post- maîtrises, la construction du complexe actuel abritant l’ENA et l’École de Préparation aux Carrières Administratives (EPCA) qu’il a mis bien des années à faire passer dans les projets gouvernementaux. Ayant lancé un audit interne, il découvrit que l’essentiel des employés de la main d’œuvre non-permanente ne percevait que des « salaires de misère » pour reprendre Pierre-Claver Akendengué et ne voyait surtout pas de cotisations être versées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), situation qu’il s’employa à régler en normalisant la régularisation de la dette vis-à-vis de l’institution, sans laisser de côté l’augmentation des salaires des ouvriers dont il percevait selon ses propres propos l’utilité et l’importance dans un milieu où il fallait être volontaire et aguerri pour donner fière allure à l’institution dans laquelle, peut-être qu’il y en avait encore beaucoup à l’ignorer, étaient formés ceux à qui il incombait la gestion de l’État sous toutes ses facettes territoriale, démographique et institutionnelle.

Ceux des ex-employés de l’ancienne ENA que nous avons d’ailleurs côtoyés reconnaissent unanimement sans hypocrisie, avouent-ils, qu’il était un homme affable qui avait fait du respect, du partage, de l’équité et de l’humilité quatre arguments majeurs de sa gouvernance. En dehors du fait, ajoutent-ils, qu’il leur était très proche, il s’était toujours illustré par un esprit altruiste et altier, allant jusqu’à les assister lors des moments tragiques, histoire de leur rappeler en Philosophe qu’il était qu’étant lui-même humain, rien de ce qui était humain ne lui était étranger. C’est donc dire que l’homme qui vient d’être rappelé ad-patres savait compatir à la douleur et aux souffrances de ses semblables !

Immortel « Ya Léon »

Pendant de longues années, il a partagé avec les élèves de l’ENA, nous en sommes témoins oculaires, le bus de transport qu’il empruntait comme eux aux lieux de ramassage tous les matins créant une atmosphère plutôt bon enfant les poussant à le considérer comme un grand frère et non comme le Directeur général, ce d’autant plus qu’ils accédaient, une fois à l’École, à son bureau sans protocole en dépit de la présence d’une secrétaire tout comme les portes de son domicile, d’abord derrière l’École normale où je fis sa connaissance, ensuite au PK 10 où il a passé le restant de sa vie, leur étaient entrouvertes. Ce qui expliquait leur affluence chez celui qu’ils appelaient affectueusement « Grand ou Ya Léon ».

Pour les étudiants du Département de Philosophie de l’Université Omar Bongo de Libreville dont il a soutenu les efforts jusqu’à ses derniers jours, il était, à l’instar de son ami et frère du Département d’Histoire, feu le maître Anges-François-Xavier Atoz Ratanga, dont la mort l’a profondément affecté nous confiait-il, le maître et le père qui, comme Socrate, les conviait à l’introspection, histoire de les amener découvrir ce qui était enfui en eux avec toujours beaucoup de succès. Sûr qu’il laisse dans la première institution universitaire du Gabon, un vide qu’il sera difficile de combler. Ses allures marxistes traduisaient chez ce patriote convaincu ses convictions profondes. Pragmatique, loyaliste, « honnête homme » et patriote, Léon Mbou Yembi retournait au Trésor public toutes les queues de budget chaque fois que sonnait la fin d’année lorsqu’il était Directeur général de l’ENA, arguant qu’il s’agissait de l’argent public et que celui-ci devait forcément servir à d’autres préoccupations nationales plutôt qu’à alimenter les poches de prédateurs sans foi ni loi, confondant en toute impunité souvent les fonds privés avec les publics.

A cheval sur des valeurs cardinales

L’illustre disparu ne s’était jamais laissé appâter par le lucre et le luxe ou par les artifices de la civilisation qui font de beaucoup d’autres politiques des gens comme sortis du même moule. Il évitait la compromission quoiqu’il ait été pour le compromis lorsque celui-ci était de nature à satisfaire ses semblables, n’avait-il pas au bout de la langue cette phrase emprunte de dignité : « Muvungu a save sumbu na doli » comme quoi : « on n’achète pas l’homme Vungu ». Mbou Yembi était une personnalité très attachée à son terroir qui continuait de le fasciner par sa nature, ses contes et légendes pour ne pas dire sa culture. Il n’hésitait pas dès que son temps le lui permettait d’aller se ressourcer à Guiétsou où il s’adonnait avec les populations rurales aux travaux champêtres avec des matériaux qu’il leur offrait gracieusement et qu’il s’était procuré à la sueur de son front.

Son domicile de Libreville était un lieu d’accueil préféré de tous ces femmes et hommes venant du village pour la ville, qui pour s’approvisionner, qui pour suivre des soins, qui pour prendre part à des manifestations familiales qui exigeaient leur présence, parce qu’ils y trouvaient la chaleur de leur patelin et le concours nécessaire à l’agrémentation de leur séjour dans un milieu devenu de plus en plus hostile en terme d’hospitalité, ils étaient tout aussi que les citadins eux-mêmes convaincus qu’en ville, les Hommes devenaient individualistes et parfois foncièrement méchants à l’égard des autres, non pas forcément par nature, mais par la force des choses, la vie se compliquant et les moyens se raréfiant au point de les pousser à devenir insensibles aux préoccupations d’autrui. C’est en cela que les personnes arrivant du village trouvaient en Léon Mbou Yembi un être exceptionnel dont ils rapportaient à leur retour de très bons témoignages, cependant pour lui, ce n’était que normal, il fallait qu’il rende aux siens ce qu’ils lui avaient directement ou indirectement donné.


Jérémie-Gustave Nzamba



Avec Gabon Eco

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