Samuel Eto’o, plus de vingt années de carrière, l’international camerounais a annoncé qu’il quittait définitivement les stades de football © AFP 2019 JOSEP LAGO

Samuel Eto’o, plus de vingt années de carrière, l’international camerounais a annoncé qu’il quittait définitivement les stades de football © AFP 2019 JOSEP LAGO

Après plus de vingt années de carrière, l’international camerounais a annoncé qu’il quittait définitivement les stades de football. Au Cameroun, de Yaoundé à Douala, fans et analystes n’en reviennent pas. Tous saluent le parcours d’un joueur exceptionnel. Reportage.

Dans la nuit du vendredi 6 au samedi 7 septembre, à la stupéfaction générale, l’ancien buteur du FC Barcelone et de l’Inter de Milan Samuel Eto’o a annoncé qu’il prenait officiellement sa retraite footballistique.

«Depuis que j’ai appris la nouvelle de la retraite de Samuel Eto’o à la radio, je ne m’en remets pas. Pour moi, c’est le meilleur joueur que j’aie connu. Il m’a fait rêver, que ce soit avec l’équipe nationale, avec le FC Barcelone ou avec l’Inter de Milan. Je lui dis merci pour tous ces beaux matchs, son repos est mérité», confie au micro de Sputnik Éric Tchoumbo, un chauffeur de moto-taxi rencontré dans les rues de Yaoundé.

Regroupés dans l’attente d’éventuels passagers au lieu-dit «Carrefour Obili», le jeune transporteur et quelques-uns de ses collègues revisitent le palmarès de l’international camerounais Samuel Eto’o.

Ces spécialistes improvisés des questions de sport n’ont d’éloges que pour le joueur qu’ils s’amusent à comparer à d’autres footballeurs de renommée internationale.

«Eto’o, c’est notre légende. Il est pour nous ce que Cristiano Ronaldo représente pour le Portugal et Lionel Messi pour  l’Argentine. Mais comme dans ce pays, on aime critiquer les talents, vous allez entendre les mauvaises langues vous dire qu’il n’a rien fait. Pour moi, il a toujours sa place dans l’équipe nationale», s’insurge Christian Souoh, un autre chauffeur de moto-taxi au micro de Sputnik.

Pourquoi l’international camerounais a-t-il décidé d’annoncer, à travers un message publié sur son compte Instagram, qu’il prenait sa retraite à 38 ans ? À Yaoundé comme à Douala – ville natale de Samuel Eto’o et capitale économique du Cameroun -, les suppositions vont bon train.

«The end, vers un nouveau défi… Merci à tous, big love, adrénaline», a-t-il écrit de façon elliptique.

Juste quelques mots accompagnés d’une photo où on aperçoit le buteur camerounais vêtu de noir dans l’obscurité, casquette sur la tête, sous la lumière d’un projeteur. Sans doute, la métaphore d’une étoile qui, par ses prouesses, a su passer de l’ombre à la lumière.

Cette annonce a fait le tour du monde et a suscité des milliers de messages d’adieux.

«C’est un attaquant complet, à l’aise balle au pied, renard des surfaces de réparation, un cauchemar pour les défenseurs, mêmes les plus grands», commente Fidéline Mba, une fan de football.

Dans ses bureaux du centre-ville de Yaoundé, Fidéline Mba, fonctionnaire, visite les sites Internet à la recherche des dernières actualités de la planète foot. Elle ne tarit pas d’éloges à l’égard de celui qu’elle considère comme le «plus grand footballeur africain de tous les temps».

«Ce qu’il a réalisé en Espagne et en Italie est immense. Et en Angleterre, inscrire un triplé contre Manchester United – même si ce n’était plus le Manchester United de la grande époque –, c’est un souvenir qui m’a marquée à vie. Samuel Eto’o est l’un des plus grands joueurs de football actuels en Europe et certainement le plus grand en Afrique», commente cette fan au micro de Sputnik. 

Une légende est née à Douala

Dans ce cas pourquoi, partir alors qu’il est au faîte de sa gloire? À Douala, le sujet est encore sur toutes les lèvres.

Toute la semaine, des médias locaux en ont fait leur une. Léandre Nzié, journaliste spécialisé en sport, salue la décision de ce fils prodigue qui, pour lui, n’a plus rien à prouver.

«Je pense qu’à son âge, c’est une bonne  décision. Il est vrai que lorsqu’on a passé toute sa vie à courir derrière un ballon, c’est toujours difficile de décider de s’arrêter, à moins d’être forcé par une blessure. Quoi qu’il en soit, il n’a plus rien à démontrer et ses hauts faits sont aujourd’hui derrière lui», affirme ce spécialiste de la planète football au micro de Sputnik.

Certains analystes, comme Charles Mongue-Mouyeme, consultant pour le sport sur une chaîne de télévision privée à Douala, saluent l’immense carrière à l’international d’un fils du pays, tout en espérant un possible retour, comme ce fut le cas avec Roger Milla.

«Roger Milla avait organisé son jubilé avant de revenir remporter la CAN 1988, de conduire le Cameroun en quart de finale de la Coupe du monde 1990 et de s’inscrire dans le Livre des records en marquant un but au Mondial 1994. On ne sait jamais avec ces grands champions, car ils peuvent toujours réserver une surprise», estime-t-il.

«Je pensais que Samuel Eto’o essaierait d’égaler le record de son idole Roger Milla, qui a disputé une coupe du monde à 42 ans. Mais peut-être que l’envie de se soumettre aux rudesses de l’entraînement quotidien du footballeur l’a quitté. Dans ce cas, il fait bien de ne pas disputer le match ou la compétition de trop, alors qu’il a connu une fabuleuse carrière», analyse Charles Mongue-Mouyeme au micro de Sputnik.

Un palmarès prestigieux

Adulé et parfois honni pour ses prises de position dans la gestion du football camerounais, celui qui compte 199 apparitions sous le maillot du FC Barcelone a remporté de multiples trophées durant sa longue carrière, dont trois Ligues des Champions (2006 et 2009 avec le Barça, 2010 avec l’Inter), deux Coupes d’Afrique des nations avec le Cameroun (2000 et 2002) et un titre de champion olympique, également en 2000, avec sa sélection.

Un palmarès des plus glorieux qui, pour Léandre Nzié, a permis «au grand 9» – son numéro fétiche – de se hisser au rang des plus grands de sa génération.

«Je me considère comme un privilégié d’avoir pu assister à l’évolution de cette légende des plus grands stades du monde et de l’avoir vu y marquer des buts. Samuel incarne l’histoire du football africain et mondial. Il est le meilleur de sa génération», affirme le journaliste sportif au micro de Sputnik.

Un éloge que Charles Mongue-Mouyeme, bien que sur la même longueur d’onde que ceux qui voient Samuel Eto’o fils comme le plus grand joueur d’Afrique, atténue.

«Sur le plan du palmarès, de la notoriété et de la fortune engrangée dans le football, il me semble incontestable que Samuel Eto’o est le plus grand d’Afrique. Mais du point de vue du talent pur en termes d’aisance technique et de jeu spectaculaire, cela peut se discuter, si on compare Eto’o à des monstres sacrés comme Salif Keïta, George Weah ou Roger Milla», considère l’analyste au micro de Sputnik.

«Cependant, dans le football moderne, la grandeur d’un joueur se mesure à travers la combinaison du talent pur, de l’efficacité, des résultats donc des statistiques et du palmarès, et de la notoriété acquise, alors oui, Samuel Eto’o est certainement le plus grand d’Afrique», conclut Charles Mongue-Mouyeme.

Vers de nouveaux défis?

Enfant, Samuel Eto’o a grandi à New-Bell, un quartier populaire de Douala, avant de vivre pendant quelque temps la vie d’un «sans-papier» à Paris durant son adolescence.

Recalé par plusieurs clubs français, il a signé son premier contrat avec le Real Madrid Castilla en 1996, puis avec le Real Madrid en 1997. L’institution espagnole le prête par trois fois mais ne semble pas lui présager un destin si fabuleux.

Charles Mongue-Mouyeme se rappelle d’ailleurs de ses débuts difficiles qui en laissaient plus d’un perplexe sur la capacité de l’enfant prodige du football africain à maintenir le cap.

«Je garde le souvenir d’un gamin courageux mais incontrôlable, que le sélectionneur du Cameroun Claude Leroy lance dans la cour des grands lors de la Coupe du monde 1998 en France. Il était prometteur et on se demandait à l’époque si les fruits de ses performances futures tiendraient la promesse des fleurs de son talent naissant. Nous avons eu la réponse», se souvient l’analyste.

Meilleur buteur de la Coupe d’Afrique des nations avec 18 réalisations, Samuel Eto’o a disputé quatre Coupes du monde: 1998, 2002, 2010 et 2014. Il a été élu quatre fois «joueur africain de l’année», record codétenu avec l’Ivoirien Yaya Touré.

Longtemps capitaine des Lions indomptables (l’équipe nationale du Cameroun), le buteur a souvent usé de son influence en équipe nationale et dans les instances pour faire passer ses choix. Des caprices de star qui ont rendu le triple ballon d’or africain désagréable auprès certains dirigeants ou sélectionneurs avec qui il a souvent eu maille à partir.

«Samuel Eto’o est un joueur dont la notoriété et le niveau de professionnalisme étaient largement au-dessus des capacités managériales des dirigeants du football camerounais. Ce qui lui a valu d’être souvent combattu par ceux qui avaient la charge d’encadrer les Lions indomptables du Cameroun. Mais il est resté solide, protégeant alors sa carrière personnelle de ces nuisances», commente Charles Mongue-Mouyeme.

Pour Charles Mongue-Mouyeme, le double champion d’Afrique a traversé des allées sombres au sein de l’équipe nationale du Cameroun, et notamment en ce qui concerne «la mauvaise gestion de la transmission du brassard de capitaine des Lions indomptables de Rigobert Song à lui, sous le sélectionneur Paul Le Guen, et aussi sa communication qui n’a pas toujours été bien menée».

Des ratés qui n’ont en rien émoussé sa détermination à s’imposer dans et en dehors des stades. D’ailleurs, en juillet dernier, le président de la Confédération africaine de football (CAF), le Malgache Ahmad Ahmad, avait annoncé que Samuel Eto’o et Didier Drogba, légende ivoirienne du football, allaient devenir ses collaborateurs, avec «des fonctions officielles».

«Didier Drogba réfléchira à l’amélioration du statut du joueur africain et Samuel Eto’o va se charger des relations avec les fédérations et les confédérations de football», avait-il précisé.

Une ascension dans les milieux du football qui n’a guère surpris et commence à prendre corps aujourd’hui.

«Je vois Samuel Eto’o comme un futur grand dirigeant du football africain, et même mondial, comme l’a été Michel Platini… Je ne serais pas étonné de le voir à la tête de la Fédération internationale de football association (FIFA)», estime pour sa part Léandre Nzié.

Même s’il est d’accord avec son confrère, Charles Mongue-Mouyeme pense que la meilleure reconversion pour le plus grand buteur de l’histoire de la Coupe d’Afrique des nations serait de devenir entraîneur de football.

«La reconversion la plus évidente pour lui serait de devenir entraîneur de football avec tout le vécu diversifié qu’il a accumulé tout au long de sa carrière de joueur. Et peut-être qu’il pourrait alors se donner le défi de devenir le premier entraîneur africain à manager un grand club européen», prédit l’analyste.

«Il aime la lumière et il se lancera certainement dans des activités qui l’y maintiendront. S’il a la volonté d’apprendre d’autres choses comme il l’a fait pour le football, avec le carnet d’adresses qu’il a, il peut se lancer dans une carrière d’opérateur économique ou même d’homme politique. Il peut devenir un grand dirigeant dans les instances du football au Cameroun, en Afrique ou dans le monde», confie-t-il au micro de Sputnik.

Alors qu’il a sifflé la fin de son propre match en ce début septembre, après plus de vingt années de carrière dans les hautes sphères du football mondial, Samuel Eto’o, dans son message d’au revoir sur Instagram, a évoqué de «nouveaux défis». Nul doute qu’il s’apprête à en relever plus d’un et que l’on n’a pas fini d’entendre parler de lui.

Par RSA Avec Sputnik – Anicet Simo



Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

For security, use of CloudFlare's Turnstile service is required which is subject to the CloudFlare Privacy Policy and Terms of Use.

I agree to these terms.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.