A Kinshasa, le parcours d’obstacles d’une PME familiale exportatrice de manioc
A Kinshasa, le parcours d’obstacles d’une PME familiale exportatrice de manioc

Congo Bio Végétal: c’est l’histoire d’une PME familiale qui exporte depuis Kinshasa des tonnes de spécialités congolaises vers l’Europe, dans un maquis de taxes et de chicaneries typiques du parcours du combattant des entrepreneurs en République démocratique du Congo.

Installée dans le quartier mi-industriel, mi-résidentiel de Kingabwa, Congo Bio Végétal est dirigée par des deux femmes, Hélène Nyomene, une Congolaise de la diaspora revenue au pays en 2008, et sa fille Swao, 28 ans.

Leur label récolte, transforme et exporte des produits alimentaires à destination des Congolais installés en France et en Belgique, et même en Chine et en Russie.

Ancienne patronne d’un salon de coiffure à Matonge, le quartier congolais de Bruxelles, Hélène a pu identifier les besoins de ses compatriotes à l’étranger: « La majorité des produits que les Congolais mangent là-bas ne venait pas du Congo, mais du Cameroun ».

La spécialité de sa petite affaire: le manioc, cultivé sur 15 hectares à la sortie de Kinshasa au bord des affluents du fleuve.

Et plus particulièrement la « chikwangue », obtenue à partir des tubercules transformées en pâte blanche puis roulées soit en bâton dans des feuilles de manioc, soit en boule dans des peaux de saucisse transparentes – une innovation maison.

« Par semaine, nous exportons entre huit et douze tonnes, tous produits confondus: huile de palme, haricots, feuilles de manioc, ngaï ngaï (oseille…). Mais ce qui fait le plus de volume c’est la chikwangue », raconte Hélène.

L’atelier et la chambre froide de Congo Bio Végétal sont installés dans l’arrière-cour de sa maison, où 44 personnes préparent les prochaines expéditions: nettoyer la pâte blanche, la cuisson sur des braises, le pétrin, le pesage, rouler la pâte dans les feuilles…

A Kinshasa, le parcours d’obstacles d’une PME familiale exportatrice de manioc

Une fois prête, Hélène confie sa marchandise à « Bolloré », le groupe français qui s’occupe du reste de la logistique: « On paie le fret et Bolloré amène la marchandise à l’aéroport. Ils s’occupent des formalités de douane et d’hygiène ».

La cheffe d’entreprise a aussi négocié un contrat avec le leader mondial du transport et de la logistique DHL.

« DHL nous permet de servir tous les clients en France. Ils déposent nos produits à Rungis (le plus grand marché de produits frais au monde en banlieue sud de Paris) et les clients les récupèrent là-bas », raconte-t-elle.

« J’ai cinq grossistes qui distribuent mes produits en Belgique et en France », dit-elle en montrant également des étiquettes en caractères cyrilliques pour les envois vers Moscou.

Outre quatre expéditions hebdomadaire par avion, Congo Bio Végétal exporte une fois par mois par bateau via le port fluvial de Matadi à 330 km de Kinshasa, jusqu’à Anvers.

La petite PME familiale de Kinshasa traite avec un des leaders mondial du fret maritime, le Français CMA-CGM.

– « Des fois c’est lourd » –

« Pour quitter Kinshasa jusqu’à Matadi, je paie 1.500 dollars pour un conteneur de 40 pieds (28 tonnes). Pour Matadi jusqu’en Europe, c’est plus de 3.000 dollars », énumère Hélène.

Rare « success story » tangible au pays des potentiels non-exploités, Congo Bio Végétal bataille contre les nombreux blocages de l’économie congolaise.

« Notre problème c’est que nous avons trop de taxes ici. On ne peut pas être compétitif car nous avons un produit avec un prix de revient assez élevé. Les Camerounais et les Togolais qui exportent ont moins de charges que nous », soupire le mari, Real, qui a gardé son propre emploi.

« Le nouveau président (Félix Tshisekedi) doit faire l’effort de réduire toutes ces charges. Nous pensons qu’elles n’entrent même pas dans les caisses de l’Etat », glisse-t-il. Allusion à la corruption plus que présumée des agents de l’Etat sur place.

A Kinshasa, le parcours d’obstacles d’une PME familiale exportatrice de manioc

« Cela fait deux ans qu’on nous a mis une taxe spéciale qui s’appelle Sidonia. Quand j’expédie trois tonnes, je paie presque 400 dollars de charges locales pour la chigwangue », détaille Hélène.

A son arrivée en Belgique, la boule de chikwangue made in RDC coûte deux fois plus cher que la camerounaise, selon elle (1,30 euros contre 0,65 centimes), selon elle.

« Des fois c’est lourd on ne s’en sort pas », soupire la cheffe d’entreprise également victime des turbulences diplomatiques entre Kinshasa et Bruxelles.

« Quand Brussels Airlines a réduit ses fréquences de vols (ndr: en 2018 sur injonction de Kinshasa) on a perdu énormément. A l’époque on employait 70 personnes. J’ai vingt employés qui sont partis car on ne pouvait plus les payer ».

Sa petite entreprise annonce un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliers de dollars mensuels. Avec des ambitions au beau fixe: « Mon rêve le plus fou c’est d’avoir la norme ISO9001. Cela me permettra de pouvoir mettre la chigwangue dans les grands supermarchés en Europe. Je me bats pour y arriver! ».

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Avec La Libre Afrique

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