ALGERIE  :  Le juste et noble combat des magistrats et maires

 

Manifestations encore massives et nationales pour le 8e vendredi consécutif en Algérie, le 12 avril dernier, pour exiger le départ du tout nouveau chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah. Ce dernier qui a remplacé au pied levé Abdelaziz Bouteflika en vertu de l’article 102 de la Constitution algérienne, est devenu, depuis le départ de son prédécesseur dont il était la doublure officielle, la cible des manifestants qui ne veulent plus d’un apparatchik au sommet de l’Etat. Le mouvement de contestation a connu une montée en puissance la semaine dernière, avec de violents incidents ayant occasionné des dégâts matériels importants, de nombreux blessés légers et des arrestations à la pelle, notamment au centre-ville d’Alger. En outre, les magistrats qui avaient rejoint la révolte populaire au début du mois de mars dernier en jurant de boycotter l’organisation de l’élection présidentielle avortée, initialement prévue pour le 18 avril si Abdelaziz Bouteflika était candidat, sont revenus à la charge cette fois-ci non seulement pour réitérer leur refus de cautionner la pérennisation du système en place à travers leur participation à l’organisation du scrutin prévu pour le 4 juillet prochain, mais également pour se démarquer des méthodes répressives de la police anti-émeute en annonçant leur refus de juger les manifestants qu’ils estiment être arbitrairement arrêtés. Les hommes en noir exigent par ailleurs d’être libérés de la tutelle politique, afin d’agir de façon indépendante dans l’intérêt du peuple. En plus des Hommes de loi, une quarantaine de maires menacent également de boycotter le futur scrutin. Même si leur nombre peut paraître insignifiant par rapport à la totalité des élus locaux dont dispose l’Algérie, il n’en demeure pas moins que leur combat est un symbole fort. Cette sortie inédite des magistrats et maires est, le moins qu’on puisse dire, un pavé de plus dans la mare politique algérienne déjà particulièrement trouble, d’autant qu’elle intervient au moment où l’Armée et le pouvoir intérimaire de Bensalah entendent conduire à terme la transition en cours, malgré la bronca dans le camp des contestataires qui prônent plutôt la mise sur pied d’institutions ad hoc qui vont conduire le pays à des élections transparentes.

L’Armée algérienne a privilégié la voie constitutionnelle

On en saura davantage dès aujourd’hui, sur l’ampleur et les répercussions de cette « révolte » des juges soutenus soit dit en passant par les avocats, puisque les révisions exceptionnelles des listes électorales qu’ils menacent de boycotter, sont programmées pour la semaine allant du 16 au 24 avril. Quoi qu’il arrive, leur combat aura été noble, mais dans un pays comme l’Algérie où tout peut servir de prétexte à l’armée outrageusement politisée pour prendre à l’arrachée les choses en main, on peut se demander si cette quête légitime d’indépendance des magistrats dans le contexte actuel, ne va pas raidir davantage les positions et remettre les élections aux calendes grecques. Cette éventualité n’est pas souhaitable évidemment, d’autant que dans cette république plusieurs fois victime des morsures de l’histoire, les démons de la haine et de la violence peuvent ressurgir ou réapparaître à la moindre occasion, et compromettre dangereusement et peut-être durablement la relative stabilité que le pays a connue ces dix dernières années. On espère que pour le bien de l’Algérie et de toute la bande sahélo-saharienne, les différents acteurs sont conscients de l’enjeu et surtout du danger à entraîner leur pays dans un vide constitutionnel, qui pourrait déboucher sur un coup de force et sur une stabilisation autoritaire et peut-être sanglante. Fort heureusement, il y a des indices qui font croire qu’on n’en arrivera pas là, comme ces appels au calme et à la non-violence lancés par une partie des manifestants à leurs camarades dès les premiers jets de pierres sur les véhicules de police, vendredi dernier, sur la place Maurice Audin, au cœur de la capitale algérienne. L’Armée algérienne a privilégié la voie constitutionnelle d’accès au pouvoir, contrairement à sa consœur du Soudan qui a profité de la révolte populaire dans ce pays pour arrêter et embastiller le Général Omar El Béchir, avant de s’emparer du pouvoir. Ce sont là des signes que l’on veut défendre la stabilité et la démocratie en Algérie, mais le problème majeur réside dans la suspicion mutuelle des acteurs, les ‘’insurgés’’ soupçonnant le système actuel d’avoir sacrifié Bouteflika pour se sauver lui-même, et les autorités de la transition accusant en des mots à peine voilés, les manifestants de faire le jeu de puissances étrangères. Mais comme plus le temps passe, plus on se rapproche dangereusement de la ligne rouge du vide institutionnel, il est fort possible que dans les jours à venir, l’un des camps lâche du lest afin que le train de la transition post-Bouteflika continue sereinement son chemin, jusqu’à la sortie du tunnel avec l’organisation d’une élection présidentielle libre, transparente et acceptée de tous.

Hamadou GADIAGA



Avec lepays.bf

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