Vent de contestation contre le 5e mandat de Boutef:  Les robes noires dans la rue

En Algérie, la candidature de Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle d’avril 2019, ne passe vraiment pas. Depuis le 22 février dernier, la rue ne cesse de gronder. A la suite des nombreux Algériens qui sont vent debout contre ce « mandat de trop » à leurs yeux, c’est un millier d’avocats qui a arpenté les rues d’Alger, ce jeudi 7 mars, jusqu’au conseil constitutionnel pour demander à cette instance de validation des candidatures, l’invalidation de celle de Boutef alors que les hommes et femmes de médias, eux, se sont rassemblés Place de la Liberté de la Presse pour protester, pour la deuxième fois, contre les tentatives de leur musellement. Sans oublier que la puissante organisation des moudjahidines se lézarde autour de cette candidature de celui-là qui est considéré comme un des héros de la guerre de libération algérienne. C’est dire si le vent de la contestation ne fait que prendre de l’ampleur et la nouvelle marche prévue aujourd’hui dans tout le pays renforce les risques de basculement de l’Algérie dans une grave crise socio-politique.

Et malgré la grogne de plus en plus grandissante de ses compatriotes, le valétudinaire président en séjour médical en Suisse, ne semble pas envisager un rétropédalage pour retirer sa candidature. En annonçant l’organisation d’élections anticipées auxquelles il ne prendra pas part, en cas de réélection, l’on ne sait pas à quelle logique répond cette proposition aussi incompréhensible qu’absurde et dans laquelle l’on a de quoi perdre son… arabe. Autant s’abstenir, dès à présent, et éviter de briguer un mandat qui fait déjà polémique et qui risque de provoquer le même printemps qu’ont connu la Tunisie, l’Egypte….

Bouteflika et son entourage ne veulent pas donner l’impression que le quadruple vainqueur a été poussé à la sortie

D’autant plus qu’affaibli par le poids de l’âge et la maladie, l’octogénaire président qui est cloué sur un fauteuil roulant depuis quelques années, a du mal à avoir la plénitude de ses moyens physiques et cérébraux pour continuer à diriger le pays. D’ailleurs, au moment du dépôt de sa candidature, il était toujours en soins intensifs dans un hôpital en Suisse ; ce qui pousse plus d’un à voir dans cette candidature décriée du chef de l’Etat, une manœuvre de son entourage qui détient la réalité du pouvoir, pour rester aux affaires. C’est pourquoi l’on est porté à croire que l’annonce de son retrait prochain de la vie politique est une ruse de guerre qui vise d’une part à calmer la colère des contestataires et d’autre part à se ménager une porte de sortie honorable. L’on est d’autant plus porté à le penser que l’on est enclin à croire que Bouteflika et son entourage ne veulent pas donner l’impression que le quadruple vainqueur des quatre dernières présidentielles dans son pays, a été poussé à la sortie, mais plutôt qu’un éventuel renoncement au pouvoir serait une décision personnelle et mûrement réfléchie. Mais le temps et surtout le contexte, semblent jouer en leur défaveur. Et pour causes. Primo, après vingt ans de pouvoir et surtout son sévère accident vasculaire cérébral en 2013, la préoccupation première de Bouteflika qui a vu sa mobilité se réduire comme peau de chagrin, est, même sans le dire, de se débarrasser de son fauteuil roulant qui est un handicap et pas des moindres, dans l’exercice de ses fonctions présidentielles. Secundo, dans un contexte mondial où la tendance est à l’apologie de la démocratie et de l’alternance, contexte qui a vu le vent du changement souffler sur bien des puissances arabes, si l’icône du FLN est restée « intouchable » pendant toutes ces années pour son rôle et celui de son parti dans l’histoire politique de l’Algérie, il semble que pour de nombreux Algériens qui lui sont toujours reconnaissants, l’heure est venue, pour lui, de passer la main, ici et maintenant. Malheureusement, tout porte à croire que son cercle n’est pas encore prêt et veut se donner du temps pour colmater les brèches. Pire, l’on a le sentiment que tous ces atermoiements ne sont que des manigances de son entourage pour qui l’Algérie est une rente viagère qui vaut bien la « prise en otage » d’un vieux président usé par le pouvoir et cloué par la maladie sur un lit d’hôpital et dont il ne veut pas voir la manne lui échapper.

Ce cinquième mandat de Bouteflika est visiblement le mandat de trop

Seulement, le peuple algérien ne semble pas l’entendre de cette oreille et tend à montrer, à la veille de cette nouvelle consultation populaire, plus que des signes d’impatience pour obtenir un changement qu’il ne voit pas venir par la voie des urnes. C’est pourquoi il y a des raisons de croire que la promesse de retrait de Bouteflika n’engage que ceux qui y croient. En tout cas, elle ne semble pas en mesure d’anesthésier la rue qui a jusque-là contenu sa colère face à l’absence d’alternative et d’alternance. En témoigne cette nouvelle manifestation d’étudiants, hier, 4 mars 2019, au lendemain de la déclaration de Boutef. Aussi est-on porté à se demander si l’on ne s’achemine pas vers un bras de fer entre le président Bouteflika et cette partie de son peuple qui a décidé de raidir la nuque. Jusqu’où ira la fronde contre le 5e mandat de Boutef ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, le doute n’est plus permis que ce cinquième mandat de Bouteflika est visiblement le mandat de trop. En tout cas, il est difficile de s’y tromper quand on voit comment la libération de la parole a permis à ses compatriotes de surmonter la peur pour exprimer haut et fort leur rejet de la candidature de celui qui passait aussi comme le rempart contre le chaos islamiste. Et la vague de la contestation ne semble pas prête à s’arrêter puisque l’annonce de sa retraite prochaine du pouvoir après la présidentielle du 18 avril prochain, n’a pas réussi à calmer la rue. Mieux, les manifestants peuvent être d’autant plus motivés à aller jusqu’au bout de leur revendication que le camp présidentiel commence à se fissurer. Mais au-delà de la question du cinquième mandat querellé de Bouteflika, c’est l’avenir du Front de libération national (FLN) lui-même qui semble aujourd’hui se jouer en Algérie. D’autant que face aux islamistes qui restent toujours en embuscade et à la montée en puissance d’une nouvelle classe politique incarnée par un certain Rachid Nekkaz que d’aucuns présentent d’ores et déjà, comme le « Macron algérien », aucun dauphin connu ne semble se dégager dans le sillage du président Bouteflika.

En tout état de cause, il appartient à l’opposition algérienne, de ne pas rater ce tournant de l’histoire de son pays et de s’engouffrer dans la brèche ouverte par la rue pour essayer de transformer l’essai de l’alternance dans les urnes. C’est peut-être maintenant ou jamais !

Le Pays



Avec lepays.bf

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