Un regard optimiste sur l’Afrique: « Le Garçon qui dompta le vent »
Un regard optimiste sur l’Afrique: « Le Garçon qui dompta le vent »

Présenté au 69e Festival du film de Berlin en février dernier, Le Garçon qui dompta le vent est disponible sur Netflix depuis début mars. Coproduit avec la BBC, le premier film de l’acteur anglo-nigérian Chiwetel Ejiofor – révélé par Spielberg dans Amistad en 1997 et tête d’affiche de Twelve Years a Slave en 2013 -, est l’adaptation du livre éponyme publié par William Kamkwamba en 2009. Il y retraçait son histoire, celle d’un garçon né dans une région rurale très pauvre du Malawi qui, à 14 ans, inventa avec les moyens du bord une éolienne alimentant une pompe. Permettant l’irrigation des champs du village durant la grave sécheresse de 2002, cette éolienne sauva de la famine la famille et la communauté du gamin. Depuis, celui-ci porte la bonne parole, partout dans le monde, pour partager son témoignage.

« J’ai été très inspiré et très ému par l’histoire de William, par son espoir, son optimisme, par le fait qu’il ait été capable de trouver une solution à ses problèmes, nous expliquait Chiwetel Ejiofor à Berlin. Ce que je voulais aussi réussir à capturer, c’était la description authentique du Malawi. C’est très cru, réaliste, mais c’est justement cela qui permet de mieux comprendre la beauté et l’optimisme de cette histoire. »

Refus de l’européocentrisme

Jouant lui-même le père du jeune héros face à la Franco-Sénégalaise Aïssa Maïga dans le rôle de la mère, Chiwetel Ejiofor signe une adaptation plutôt efficace. Malgré son côté assez édifiant (le triomphe du courage et de la volonté sur l’adversité), le film parvient en effet à toucher une corde sensible. Notamment par son refus d’une approche européocentrée, comme c’est trop souvent le cas. En effet, pas ici de personnage blanc pour servir de guide au spectateur. « Pourtant, j’ai le sentiment que l’Europe et l’Occident font par partie de cette histoire, même s’ils ne sont pas représentés à travers des personnages, ironise l’acteur-réalisateur. Il y a un lien très clair entre toutes ces dynamiques. Ce que William a réalisé dans son village au Malawi peut sembler être à échelle microscopique mais cela s’insère dans un cadre macroscopique global. Si on parle de changement climatique et de ses impacts sur l’environnement, de système économique ou d’introduction de la démocratie, l’Occident a un grand rôle à jouer. »

Pendant le montage, Chiwetel Ejiofor a montré Le garçon qui dompta le vent à deux grands cinéastes avec lesquels il a tourné : Stephen Frears (il était dans Dirty Pretty Thingsen 2002) et Steve McQueen (12 Years a Slave). « Ce qui a marqué Frears, c’est l’aspect économique, l’influence de l’économie occidentale sur l’économie africaine, cette idée de la régulation globale des prix et des marchés et de ses conséquences sur les gens aux pieds de l’échelle. McQueen, lui, était très investi dans la dynamique père-fils. Avoir ces conversations a vraiment été très utile quand je retournais ensuite en salle de montage », se souvient-il.

Quête d’authenticité

Le livre de William Kamkwamba, qui accompagnait le cinéaste à Berlin pour défendre le film, Ejiofor l’a lu dès 2009. Et comme le héros a lutté pour mettre au point son éolienne, le futur réalisateur a dû se battre pour porter son projet jusqu’au bout. « Cela résonnait tellement en moi, avec mes expériences personnelles au Nigeria, qui sont très différentes mais avec aussi de vraies similarités, notamment dans les communautés rurales, confie-t-il. Je n’avais rien vu au cinéma qui avait montré cela. J’ai donc essayé de le rendre de la façon la plus authentique possible… »

Pour plus d’authenticité, Ejiofor a choisi de tourner en chichewa, langue bantoue locale. Même si, au Malawi, des voix se sont élevées, affirmant que le dialecte avait été massacré dans un film clairement destiné à un public occidental… « Vu la nature de l’histoire, il me semblait clair que je devais représenter la communauté du village avec une vraie authenticité. Sinon, le film aurait perdu un niveau de sa texture et, surtout, son intégrité. Et je ne pense pas qu’il aurait pu la récupérer si les gens dans le village avaient parlé en anglais. La vérité, c’est qu’au Malawi, comme dans le film, il y a un équilibre entre l’anglais et le chichewa. Heureusement, tout le monde était sur la même longueur d’ondes à la BBC, au British Film Institute et ensuite, évidemment, chez Netflix », raconte le réalisateur.

Si son film ne sort pas en salles, Ejiofor se console en pensant à la force de frappe du géant de la VOD californien. « Avec Netflix, on peut raconter cette histoire à une communauté beaucoup plus large. Mais cela s’arrête quand même aux gens qui ont accès à l’Internet haut débit…, tempère le réalisateur. Que le film et cette histoire optimiste inspirent les Occidentaux, c’est bien. Mais imaginez ce que cela signifie pour ces communautés de se voir représentées à l’écran, ainsi que leurs expériences, leurs défis. L’espoir, c’est de pouvoir dépasser cette limite pour rendre le film accessible à tous. On est notamment en discussion avec l’African Leadership Academy pour tenter de trouver des solutions. »

Hubert Heyrendt, à Berlin

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Avec La Libre Afrique

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