Des femmes participent à une marche de protestation contre les victimes d’attaques violentes, Lagos, Nigeria, 22 mai 2018.

Davantage de crises cardiaques mal diagnostiquées, de blessures graves dans les accidents de la route: les femmes paient le prix d’un monde conçu pour les hommes, affirme la militante féministe britannique Caroline Criado Perez dans son nouveau livre, « Invisible Women ».

Sorti jeudi au Royaume-Uni, l’ouvrage de 411 pages propose une liste des complications, simplement embêtantes ou potentiellement mortelles, résultant du paradigme consistant à considérer l’homme comme le genre par défaut pour l’élaboration de telle ou telle norme, un concept connu sous le nom de « gender data gap ».

De l’urbanisme à la politique, de la vie quotidienne au design, l’auteure entend ainsi montrer à quel point les préjugés sexistes omniprésents dans la société « déforment les données prétendument objectives qui régissent de plus en plus nos vies ».

« La vie des hommes a été considérée comme représentative de celle de l’ensemble de l’humanité », affirme Caroline Criado Perez, ajoutant que « la plus grande partie » des données répertoriées de l’histoire humaine manque significativement d’informations relatives aux femmes.

« Invisible Women » est « un exposé sur la façon dont les inégalités dans le traitement des données nuisent aux femmes », résume-t-elle.

Dans son livre, elle explique ainsi avoir découvert que les médecins sont plus enclins à des erreurs de diagnostic lors d’examens de femmes souffrant de problèmes cardiaques, notamment parce que leurs symptômes – maux d’estomac, essoufflements, nausées, fatigue – diffèrent de ceux des hommes et sont classés comme « atypiques ».

« Je n’arrivais pas à y croire », a-t-elle déclaré au Sunday Times lors d’une récente interview. « La science est pourtant censée être objective ».

L’auteure relève également que les systèmes de sécurité de la plupart des modèles de voitures sont conçus à l’aide de mannequins de collision basés sur la morphologie d’un homme « moyen », contribuant au fait que les femmes ont 47% de risques supplémentaires d’être gravement blessées lors d’un accident.

Quant aux femmes secouristes, elles reçoivent des équipements de protection souvent basés sur la taille et les caractéristiques des hommes, avec là aussi des conséquences parfois dramatiques.

Le secteur des nouvelles technologies n’est pas épargné, l’auteure prenant pour exemple les logiciels de reconnaissance vocale, bien plus enclins à reconnaître avec précision la voix des hommes, ou les téléphones portables, souvent trop grands pour les mains de nombreuses femmes.

« Les designers croient peut-être qu’ils fabriquent des produits pour tout le monde mais en réalité, c’est surtout pour les hommes qu’ils le font », regrette Caroline Criado Perez. « Il est temps de commencer à penser le design pour les femmes ».

Pour Sarah Hawkes, directrice du « Centre for Gender and Global Health » de l’University College de Londres, spécialisé dans l’étude des inégalités en fonction du genre, Caroline Criado Perez a mis le doigt sur une triste réalité historique: « Depuis environ 2.000 ans, le défaut de la médecine, c’est d’être tourné vers les hommes », a-t-elle déclaré.

Caroline Criado Perez n’en est pas à son premier fait d’armes militant : cette journaliste s’est fait un nom au Royaume-Uni après avoir, avec succès, fait campagne pour qu’une femme apparaisse sur les billets de banque britanniques, mais aussi qu’une statue de la suffragette Millicent Fawcett soit érigée devant le Parlement de Westminster, à Londres.

L’avocate Helena Kennedy, militante influente des droits des femmes au Royaume-Uni, a salué le « regard pénétrant » jeté par l’auteure sur l’absence des femmes dans la création de la « plupart des normes sociales ». « Ce sont des faits », souligne-t-elle. « L’information, c’est le pouvoir. Nous avons tous besoin de savoir comment nos systèmes fonctionnent si nous voulons le changement ».

Réduire ces inégalités passe par une solution « claire », avance Caroline Criado Perez: « nous devons combler le manque de représentation des femmes ».

« Lorsque les femmes participent aux prises de décision, à la recherche, à la production de connaissances, elles ne sont pas oubliées », argumente-t-elle. « La vie et les perspectives des femmes sortent alors de l’ombre ».



    Avec VOA Afrique

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