Un stand de fournitures scolaires, à Cotonou, Benin, le 10 septembre 2017. (VOA/Ginette Fleure Adande)

Avec sa classe, Ambroise, 11 ans, a parcouru d’un bon pas le kilomètre et demi qui sépare son école publique de la mairie d’Avrankou, dans l’est du Bénin: sur le parking, sous d’immenses kolatiers, stationne un camion aménagé en salle informatique.

« Quand le maître a dit qu’on retournait à la classe informatique, j’ai vite ramassé mes affaires, j’étais trop content », raconte dans un large sourire Ambroise, qui est en CM1.

Longue de 13 mètres, la remorque est équipée de tables modulables, d’ordinateurs portables et de ventilateurs. Sur le toit, 12 panneaux solaires permettent à la classe d’être autonome en énergie dans les régions rurales.

Cette classe itinérante conçue par le BloLab de Cotonou, un laboratoire de création numérique, a été lancée en août 2018 dans le but de démocratiser l’accès aux technologies numériques en dehors des villes.

De fait, pour les enfants d’Avrankrou, l’informatique est une découverte. Sur cette classe de 48 élèves, seuls quatre ont déjà vu de près ou touché un ordinateur.

Ambroise en fait partie. C’était « chez le photocopiste », dit-il, le commerçant qui photocopie des documents. Pour les quelques autres dans le même cas que lui, la rencontre avec l’informatique a souvent eu lieu via le PC d’un grand frère étudiant.

– Atelier « jerry » –

Au Bénin, la fracture numérique est une réalité. Médard Agbayazon, fondateur du BloLab, en est le témoin. « En ville, plus de gens sont équipés, il y a des cybercafés. Mais dans les villages, il est rare de trouver un ordinateur ou un smartphone », raconte-t-il à l’AFP.

D’après le dernier rapport publié en 2018 par l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP), le taux de pénétration d’internet dans les foyers au Bénin est de 42,2% seulement et les connexions mobiles représentent plus de 96% des connexions dans le pays.

D’où l’idée de créer une classe mobile.

Un opérateur offre la connexion internet. Une association suisse, African Puzzle, a fait don de la remorque, mais il faut louer la cabine pour la déplacer et cela coûte cher. BloLab n’a pu visiter que deux communes depuis août dernier.

Le concept: cinq classes profitent pendant un mois d’une initiation aux nouvelles technologie, deux heures par semaine, gratuitement.

Ce n’est toutefois qu’une goutte d’eau pour répondre aux besoins: Avrankou, avec ses 128.000 habitants répartis en 59 villages, compte 88 écoles primaires.

« L’idée n’est pas de faire des informaticiens, juste de donner l’envie aux enfants d’utiliser le numérique. C’est un outil qui peut résoudre des problèmes concrets dans la vie quotidienne », souligne Médard Agbayazon.

Pendant qu’un groupe s’essaye au traitement de texte en chuchotant dans la remorque, un autre occupe une salle de la mairie: c’est l’atelier « jerry », nom donné à ces unités centrales fabriquées dans des jerrycans avec des composants recyclés, récupérés sur différentes machines obsolètes ou en panne auprès des entreprises et organisations internationales basées à Cotonou.

– Bidons jaunes et logiciels gratuits –

Raoul Létchédé, un des deux formateurs, montre aux élèves le matériel qu’ils vont assembler dans un bidon jaune vide de 25 litres.

A leur deuxième séance, les enfants sont déjà familiers avec les termes « carte mère », « disque dur », « bloc d’alimentation » et s’empressent de connecter les éléments.

« Cet atelier permet de les familiariser avec l’intérieur d’un ordinateur, démystifier son fonctionnement et leur montrer qu’ils peuvent fabriquer leur matériel avec peu de moyens », détaille le formateur.

Autre particularité de cette classe numérique itinérante: elle utilise des logiciels disponibles gratuitement.

« Ici on n’a pas d’argent pour acheter des licences. Et on ne veut pas encourager les enfants à +cracker+ (pirater) », explique Médard Agbayazon.

Cette philosophie militante a plu à la mairie, qui aimerait pouvoir un jour numériser son état civil ou géolocaliser ses forêts pour mieux les préserver.

– Contre l’exclusion numérique –

« C’est une opportunité pour ne plus être esclave des logiciels de grandes multinationales », s’enthousiasme Apollinaire Oussou Lio, le secrétaire général de la mairie qui a visité la classe itinérante. « Je voudrais qu’on forme mon personnel à cet usage ! »

L’instituteur Guillaume Gnonlonfoun, lui, se réjouit pour ses élèves.

Son école n’a pas d’ordinateur. Or « à notre ère, on ne peut rien faire sans le numérique. Pour ne pas être les analphabètes du 3e millénaire, il est indispensable qu’on ait du matériel », plaide le jeune enseignant, qui s’est servi pour la première fois d’un ordinateur lorsqu’il était à l’université.

Nombre de ses collègues n’ont d’ailleurs jamais eu de PC en mains. La classe numérique leur est aussi ouverte, pour qu’ils puissent prendre le relais après le départ de BloLab.

En attendant de disposer un jour de « vrais » ordinateurs, ils auront au moins les quelques « jerrys », fabriqués par les apprentis informaticiens.

Avec AFP



Avec VOA Afrique

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