RDC : Pour la SADC, il faut un recomptage…
RDC : Pour la SADC, il faut un recomptage…

Deux semaines après le passage par les urnes, cinq jours après l’annonce du verdict provisoire de la présidentielle et deux jours après celle du résultat des législatives, le processus congolais mis sur pied par la Comission électorale nationale indépendante (Ceni) ne convainc plus grand monde

Le président zambien, Chagwa Lungu, qui préside actuellement l’organe chargé de la politique, de la défense et de la sécurité de la SADC (communauté des Etats de l’Afrique australe) n’a pas chômé ces derniers jours. C’est que toute la sous-région est suspendue aux évolutions du processus électoral en République démocratique du Congo. Et ce processus est loin de faire l’unanimité. Il fait craindre la résurgence d’une période d’instabilité et de violence dans ce pays de plus de 80 millions d’âmes.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, sur le coup de 3 heures du matin, la Ceni a annoncé les résultats provisoires de l’élection présidentielle. Des résultats qui ont donné la victoire à l’opposant Félx Tshisekedi, d’une tête devant l’autre opposant, Martin Fayulu. Le dauphin de Joseph Kabila devant se contenter d’une troisième place, loin des deux autres.

Un résultat immédiatement rejeté par Martin Fayulu qui annonce, ses chiffres de compilation à la main, avoir décroché plus de 60% des suffrages. L’Église catholique, à travers la commission épiscopale nationale congolaise (Cenco), a répété son incompréhension face à ces chiffres officiels. Pour la Cenco, ce résultat ne correspond pas du tout aux chiffres qu’elle a obtenus en compilant les procès-verbaux des bureaux de vote.

Le malaise est évident. Aucun pays africain, jusqu’ici, n’a d’ailleurs félicité publiquement les gagnants, quoi que disent leurs QG. Tous les voisins ont félicité les Congolais pour leur détermination à faire entendre leur voix mais personne n’a félicité le lauréat. Tous se sont contentés de prendre acte.

Dans la nuit du 9 au 10 janvier, avant l’annonce de la présidentielle et avec onze jours d’avance sur le calendrier électoral qu’il a lui-même élaboré, Corneille Nangaa, le patron de la Ceni, a fait donner les noms des élus provinciaux. Autre malaise. Comment expliquer que la Ceni, qui peine à compiler les résultats de la présidentielle avec une circonscription unique, ait été en mesure, parallèlement, d’assurer le décompte de toutes les circonscriptions au niveau régional ? D’autant que dans de nombreux centres de dépouillements ces travaux sur les provinciales viennent à peine de débuter. Deux solutions. Soit la Ceni a « inventé » ces chiffres, soit elle les a obtenus par voie électronique et donc de manière illégale.

La même question se répète ce week-end à l’annonce des résultats des législatives toutes aussi positives pour le povoir en place. D’où proviennent ces chiffres ? Autre malaise.

Et tous ces chiffres, tous les noms qui les accompagnent, susctitent  à leur tour un nouveau… malaise. Comment expliquer ce raz-de-marée du pouvoir en place dans ces législatives (nationales ou provinciales) alors que le dauphin de Kabila a été rejété ? Le malaise fait place à l’incrédulité.

Un recomptage difficile à imaginer 

Vendredi 11 janvier, le Conseil de sécurité des Nations unies s’est penché sur la question, il a entendu la position des évêques de la Cenco et celle de la Ceni.

Les hommes d’Église ont redit leur étonnement face aux chiffres publiés par la Ceni. Ils ont évoqués le recomptage des voix.

La Ceni, par la voix de son président, n’a guère laissé de place pour ce scénario. Pour lui, soit les résultats sont acceptés et Tshisekedi est le nouveau président encadré par une chambre des représentants, un Sénat et des gouverneurs issus des rangs de la Kabilie, soit on annule le tout et on retourne aux urnes.

RDC : pour la Ceni, c’est Tshisekedi ou Kabila et rien d’autre

Ce dimanche, au lendemain du dépôt du recours de Martin Fayuu devant la Cour constitutionnelle, la SADC a posé sa pierre dans ce jardin en prônant un recomptage des voix qui doit permettre, selon cette institution, d’apaiser tous les camps et donner une véritable assise et une crédibilité aux nouvelles institutions. Le nouveau président élu au terme de ce recomptage pourrait alors gouverner avec un exécutif d’union nationale.

Le recomptage proposé par la SADC pourrait-il avoir plus de poids aux yeux du patron de la Ceni que celui évoqué par les évêques devant un Conseil de sécurité, il est vrai, divisé ? Pas évident.

Mais la proposition de la SADC, en accord avec les pays de la communauté des grands lacs (CIRGL), démontre clairement que la question est devenue régionale et que ces voisins pensent que les résultats annoncés pourraient déclencher une instabilité parce qu’ils ne reflètent pas le choix des électeurs.

La piste d’un recomptage peut-elle être envisagée ? Les chances sont maigres. Nangaa l’a clairement fait savoir à l’Onu. Et vu les « divergences abyssales » évoquées par des observateurs entre les résultats compilés par la Cenco ou la plateforme de Fayulu et les chiffres de la Ceni, l’exercice apparaît comme très – trop – risqué pour le président Nangaa.

Retour aux urnes ? 

Reste alors la piste de l’annulation du scrutin et d’un retour aux urnes. Une piste qui prend de l’épaisseur quand on se souvient des écarts entre les deux premiers de la présidentielle (700 000 voix) et le refus de la Ceni d’organsier les scrutins à Beni, Butembo et Yumbi et de priver plus de 1,2 million de Congolais, essentiellement acquis à Fayulu, de leur droit de vote.

Une piste qui prolongerait de nouveau le séjour de Kabila aux commandes du pays mais qui, si elle permet d’apaiser les tensions, pourrait trouver grâce aux yeux de bien des acteurs internes et externes. A condition, évidemment, de sacrifier sur l’autel de la realpolitik les acteurs phares de ce qui s’apparente aujourd’hui à une mascarade, au premier rang desquels Corneille Nangaa, et d’accepter la main tendue de certaines instances internationales pour la mise sur pied d’un retour aux urnes bien cadré.

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Avec La Libre Afrique

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