Félix Houphouët-Boigny, à gauche, avec l’ancien président de la Tanzanie, Julius Nyerere, Dar es Salam, le 1er janvier 1962.

« Je décréterai férié le jour anniversaire de sa naissance », lance la députée Véronique Aka: 25 ans après sa mort, Félix Houphouët-Boigny, le premier président de la Côte d’Ivoire, reste une icône dans son pays où son héritage subit toutefois des critiques.

Ses discours sont cités à toutes les sauces et son nom est devenu un « fonds de commerce politique » pour nombre de politiciens qui se réclament de lui.

Né le 18 octobre 1905, Félix Houphouët-Boigny (FHB) a conduit son pays, ex-colonie française, à l’indépendance en 1960, puis l’a dirigé pendant 33 ans, avec comme instrument politique le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, l’ex-parti unique) qu’il a créé en 1946.

« On va attendre un siècle pour retrouver un homme de son acabit, doté d’un destin hors norme », estime Amara Essy, son ancien ministre des Affaires étrangères (1990-1999), qui souligne que le « sage de l’Afrique » voulait « construire un Etat avec des valeurs et des principes, puis ensuite une nation ».

« Ce qui m’a impressionné chez ce monsieur, c’est sa capacité d’analyse des relations internationales, mieux que certains grands dirigeants des pays développés. Il avait prédit que le système communiste n’allait jamais atteindre le centenaire, parce qu’inhumain », explique l’ancien diplomate qui a été secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) puis président par intérim de la commission de l’Union africaine (ex-OUA) entre 2001 et 2003.

Adepte du libéralisme, le « pays d’Houphouët » (un surnom de la Côte d’Ivoire) va connaître une croissance vertigineuse dans les deux décennies suivant son indépendance, portée par le secteur agricole, au point qu’on a parlé de « miracle économique ivoirien ».

Citée en exemple pour sa stabilité politique, la Côte d’Ivoire se hissera au rang de première puissance économique d’Afrique francophone, devenant le premier producteur mondial de cacao avec 40% du marché.

– Un héritage raté –

Fort de cette embellie économique, FHB va transformer son village natal de Yamoussoukro, à l’orée de la forêt et de la savane dans le centre du pays, en une ville moderne où il bâtira la basilique Notre-Dame de la Paix, quasi-réplique de Saint-Pierre de Rome, consacrée le 10 septembre 1990 par le pape Jean Paul II.

Mais avec la crise économique, tout change. Les recettes d’exportation s’effondrent. En 1992 (un an avant sa mort), la dette totale du pays atteignait 20 milliards de dollars, deux fois le PIB. « Le Vieux » accuse la « spéculation internationale ». Il dénonce aussi la corruption.

« Il a développé le potentiel agricole de la Côte d’Ivoire, mais sans réussir à faire franchir le cap de la transformation » des matières premières, critique l’économiste ivoirien Yves Ouya.

« Le libéralisme d’Houphouët-Boigny est une légende urbaine, il a été dirigiste. Le pays disposait de nombreuses sociétés d’État dont la plupart ont été privatisées trois ans avant sa mort, après de mauvaises gestions », selon le politologue Jean Alabro.

« Houphouët-Boigny a raté la transition politique vers le multipartisme », déplore de son côté Roger Manet, 53 ans, observateur politique ivoirien.

M. Manet accuse celui que le général de Gaulle cite dans ses mémoires comme un « cerveau politique de premier ordre » (FHB fut ministre de la IVe république française et a participé à la rédaction de la Constitution de la Ve république), de n’avoir pas laissé éclore le multipartisme dans son pays. « Ce processus s’est imposé à lui en 1990 ».

« Depuis sa mort, le 7 décembre 1993, la Côte d’Ivoire a vu se succéder tout ce que son régime lui avait épargné : violences politiques, rivalités ethniques, tentatives de coup d’Etat, instabilité », relève-t-il, très amer.

Avec AFP



Avec VOA Afrique

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