RDCongo: raidissement du régime Kabila à la veille des scrutins
RDCongo: raidissement du régime Kabila à la veille des scrutins

 
Analyse par Marie-France Cros.
 
Usage de la torture, refus explicite d’appliquer l’accord de la Saint-Sylvestre, maintien de la “machine à tricher” malgré l’importance du rejet populaire… Le régime de Kinshasa s’enfonce de plus en plus dans l’autoritarisme.
 

À sept semaines des élections présidentielle, législative nationale et législative provinciale en RdCongo, l’ONG britannique, Freedom from Torture, a accusé lundi le régime du président hors mandat Joseph Kabila d’“encourager tacitement et activement” la torture contre ses opposants politiques. L’association, qui se base sur les témoignages et examens médicaux de 74 Congolais réfugiés au Royaume uni, dénonce “un moyen de réduire au silence” pour “écraser la contestation”.
https://afrique.lalibre.be/26816/rdc-la-torture-en-rdc-un-moyen-pour-ecraser-la-contestation/
 
 
“L’oncle de Maman Sifa”
 
Ce durcissement du régime est lié à sa volonté de se maintenir au pouvoir. Près de deux ans après la fin de son dernier mandat légal, Joseph Kabila a renoncé à se re-présenter à l’élection, respectant ainsi la Constitution. Mais il a choisi personnellement son dauphin, l’ex-ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, bien qu’il fasse l’objet de sanctions internationales et jouisse d’une piètre popularité au Congo. Un théâtre de quartier populaire de Kinshasa plaisantait ainsi dernièrement, avec succès, sur la déception provoquée par cette nomination : “On attendait le Dauphin, on a vu une sardine !”.
 
À Kinshasa, des sources d’opposition expliquent le choix de M. Kabila par le fait que M. Ramazani Shadary serait “l’oncle de Maman Sifa”, mère du chef de l’État ; tous deux sont en tout cas de la même tribu, les Bangu Bangu du Maniema.
 
La décrispation n’aura pas lieu
 
Le régime avait passé le cap turbulent de son maintien au pouvoir après la fin du mandat Kabila, en signant un accord avec l’opposition, sous l’égide de l’Église : l’accord de la Saint-Sylvestre 2016. Il n’a cependant jamais respecté sa signature dans les faits.
 
Cette semaine, le ministre de la Communication Lambert Mende a même renié la promesse – faite au titre de mesure de “décrispation” – de libérer certains prisonniers politiques : “Les cas emblématiques, pour nous, ce sont des cas non libérables”.
 
L’accord évoque pourtant nommément plusieurs détenus politiques, notamment “Eugène Diomi Ndongala” – dont le Comité des droits de l’homme de l’Onu a exigé la “libération immédiate” en 2014 déjà – mais aussi “les cas emblématiques restants, à savoir MM. Moïse Katumbi Chapwé et Jean-Claude Muyambo”.
 
Vers des troubles post-électoraux
 
Enfin, le régime continue à imposer la machine à voter, récusée par l’opposition et une bonne partie de la société civile, qui y voient un outil pour une fraude massive. Ce seul rejet – qu’il soit ou non justifié – laisse présager d’importants conflits post-électoraux, voire des troubles.
 
Et plus encore s’il est justifié – une position soutenue par les précédents en matière d’utilisation de la machine à voter sud-coréenne de Miru System, qu’impose le régime de Kinshasa. L’utilisation de cette technologie aux législatives irakiennes du 12 mai dernier a donné lieu à des pannes, liées à la fourniture intermittente de courant, bien plus commune encore au Congo. Le manque de confiance créé par la machine a poussé le parlement de Bagdad à demander le recomptage de 11 millions de bulletins.
 
De son côté, l’Argentine a renoncé à utiliser la machine à voter de Miru System pour ses élections fédérales de 2016 en raison de son manque de fiabilité en matière de secret du vote, de transparence du système et d’assurance que les résultats ne sont pas manipulés. La section argentine de Transparency International souligne d’ailleurs que la Corée du Sud utilise le bulletin papier et non le vote électronique.
 
Des chercheurs argentins et le programmeur Javier Smaldone soulignent de leur côté les ressemblances entre la technologie refusée en Argentine et celle des prototypes déployés au Congo. M. Smaldone soupçonne que les machines refusées en Argentine ont été servies aux Congolais.

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Avec La Libre Afrique

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