RAPPORT D’ENQUETE SUR LE MEURTRE D’EXPERTS ONUSIENS AU CONGO

Du pain bénit pour l’opposition

« Congo files», c’est le nom donné à cette enquête journalistique menée sur la base de milliers de documents confidentiels des Nations unies, relatifs à l’assassinat des deux experts onusiens mandatés par le Conseil de sécurité pour enquêter sur les violences en République démocratique du Congo (RDC), plus spécifiquement dans le Kasaï. Il s’agit, pour ne pas les nommer, de Michael Sharp et de Zaida Catalan. Conduite par des médias internationaux en l’occurrence RFI, Le Monde, Foreign Policy, Suddeutsche Zeitung et la télévision suédoise, l’enquête est accablante pour le pouvoir du président Joseph Kabila. C’est, en tout cas, un vrai théâtre d’ombres et de marionnettes où les ficelles sont tirées par le pouvoir congolais que laisse voir ce rapport.  

Ce rapport dérange dans les arcanes du palais de marbre de Kinshasa

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce rapport d’enquête vient confirmer ce que tout le monde savait déjà car la réponse à la question « à qui profite le crime » indexait clairement le pouvoir congolais, auteur des massacres sur lesquels enquêtaient les deux infortunés experts. L’intérêt du travail réside dans le nouvel éclairage qu’il apporte sur la face hideuse d’un régime dont le modus operandi dans la gestion des affaires publiques est le manque de transparence et le recours systématique à la violence. C’est donc dire si ce rapport dérange dans les arcanes du palais de marbre de Kinshasa dont le locataire est en train de faire ses valises. Voilà, en tout cas, de quoi décupler les peurs pour l’après-pouvoir d’un féroce prédateur des libertés individuelles et collectives.

En tout état de cause, la question que l’on peut se poser est la suivante : pourquoi c’est précisément maintenant que paraît ce rapport ? Il y a, en tout cas, des raisons de croire que ce n’est pas fortuit. Car la RDC est en pleine campagne électorale pour la succession de Kabila dont le dauphin, Emmanuel Ramazani Shadary, part avec toutes les faveurs des pronostics. Et, faut-il le rappeler, ce dernier était, au moment des faits, le tout-puissant ministre de l’Intérieur et il y a fort à parier qu’en plus d’être une véritable boîte noire dans cette sordide affaire qui s’est déroulée à l’ombre de la canopée de la forêt congolaise, il se pourrait qu’il y soit trempé d’une manière ou d’une autre. C’est pour cela qu’il y a lieu de penser que les médias internationaux ont fait le choix conscient de rappeler à la mémoire des Congolais et de la communauté internationale les laideurs d’un régime qui s’apprête à faire un changement arrangé. Par ailleurs, l’on peut aussi établir une relation de cause à effet entre la parution de ce rapport et les appels des partisans et sympathisants du pouvoir à lever les sanctions onusiennes contre leur candidat. En effet, l’on pourrait penser que le contenu de ce rapport qui incrimine au plus haut degré le pouvoir, est une réponse déguisée à cette revendication et devrait vite rabattre le caquet à ceux qui la portent.

Dans toute cette affaire, s’il y a quelqu’un qui devrait se frotter les mains, c’est bien l’opposition congolaise. Car ces nouveaux ennuis du pouvoir sonnent pour elle comme du pain bénit dans la mesure où ce nouveau rapport constitue un véritable couperet pour le pouvoir sortant de Kabila. L’opposition saura-t-elle inverser à son profit le cours de l’histoire ? Rien n’est moins sûr.

L’opposition ne devrait pas être la seule à ferrailler contre le pouvoir congolais

On le sait, cette opposition traîne au pied le boulet des divisions intestines qui l’ont obligée à prendre part à la course à l’élection présidentielle du 23 décembre prochain en rangs dispersés. Il n’est donc pas certain que l’électorat congolais juge dignes de confiance ces opposants qui n’ont pas été capables de ravaler leur ego surdimensionné et de s’élever au-dessus des intérêts personnels et partisans pour se mettre au service de l’intérêt général. Et puis, encore faut-il trouver au sein de cette opposition le charisme nécessaire pouvant servir de ferment capable de provoquer le changement.

Cela dit, l’opposition ne devrait pas être la seule à ferrailler contre le pouvoir congolais. Les organisations de la société civile qui ont fait les frais de la barbarie de ce régime devraient aussi à nouveau battre le tam-tam de la mobilisation pour empêcher la dévolution du pouvoir entre les ogres d’un même clan qui se sont toujours illustrés dans des massacres. Par ailleurs, même s’il ne s’agit que d’un rapport d’enquête journalistique, l’ONU, les pays d’origine des deux experts assassinés et la Justice internationale devraient s’en servir également en avertissant clairement les Congolais que s’ils venaient à élire des dirigeants qui ont les mains dégoulinantes de sang, ceux-ci seraient mis au ban de la communauté internationale.

Cela dit, c’est le lieu encore de saluer le travail de la presse qui s’illustre de fort belle manière dans la défense des droits humains et dans l’éveil des consciences des peuples.

 

« Le Pays »



Avec lepays.bf

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